Relevé d’apprentis

Aperçus pour petits et grands

jeune guitariste devant une partition

Il faut faire ce qui est facile comme une chose difficile, et ce qui est difficile comme une chose facile.
(B.Gracian)

– Nos mains sont bergères d’un troupeau de sons où se propage l’Histoire et se raconte la nôtre.
– Le son est le visage du musicien, face au silence, dont chaque atome est l’attente d’un fruit mûr (Paul Valéry).
– Le son : sa prédéfinition dans l’oreille et au bout des doigts qui écoutent, son attaque, sa précision, son affectivité, sa présence, ce qu’il induit au suivant et parle du précédent, son trouble, son espoir, qu’il soit beau ou non, qu’il soit sien… Si l’on obtient cela, tout le reste n’est que littérature. La technique, c’est l’oreille… pas les doigts.

– La guitare tient toute seule entre les jambes, le torse libre (via un repose-pied, un gitano ou une sangle (recommandée).
– Les mains agissent dans le prolongement de l’avant-bras. Ne pas courber trop ou « sortir » les poignets ni les tordre à droite ou à gauche (ce qui serait autant de pris sur l’élasticité des tendons et des muscles).
– Les doigts agissent grâce à la 1ʳᵉ articulation (à la paume), la plus puissante, la plus quotidienne. Les autres suivent… Jouer de la guitare, c’est ouvrir et fermer la main (Fernando Sor).
– La position de la main naturelle est à demi-fermée, fœtale ; tout écart vis-à-vis de cet état zéro relaxé doit être surveillé dès les premiers jours d’étude. Éviter donc de préparer les doigts en les écartant pour les poser tous à la fois.
– L’espace couvert par les 4 doigts ainsi relaxés ne couvre, au mieux, que 3 cases en bas du manche, un peu plus en haut si utilisation du capodastre (recommandé). Le doigt 4 s’appuie sur la 3ᵉ case, aidé par l’articulation de l’épaule, il ne serre pas le manche avec la pince du pouce, mais en résistant.

– Lorsque le doigt veut parvenir à une case qui l’obligerait à rompre ce rassemblement naturel de l’état zéro de la main (= extension) il ne faut pas que le doigt parte seul, il faut que la main l’accompagne. S’il ne s’agit que d’une case d’écart, la main pivote autour du pouce gauche. Plus loin, elle doit glisser/sauter. Éviter de pratiquer extension et saut au début.
– Cet appui est une résistance, tout comme la jambe s’appuie sur le sol. Le bras est le corps du doigt, épaule comprise. Sur une guitare, on marche à l’horizontale.
– Il ne faut pas donner des leçons à ses mains, mais en prendre.
– Une tension qui agit au bon moment et à l’endroit où il faut avec la force juste suffisante est une action.
– Une tension qui commence trop tôt et continue plus que nécessaire est une crispation. Si on ne surveille pas cela jour après jour, on joue comme si l’on conduisait une voiture avec le frein à main.
– Les tensions non contrôlées, c’est-à-dire non détendues à temps, sont la source de tous les problèmes instrumentaux.
– Mettre en place un réflexe conditionné de relaxation après l’action est que le principe de la respiration muscu­laire (tension détente) : elle se retrouve dans la respiration des phrases musicales.
– Cela ne peut s’exercer que dans les monodies simples, doigt après doigt. Un appui succédant à un autre appui. Comme la marche. Comme une prise branchée et débranchée à l’infini.
– Ne jamais réaliser qu’un appui à la fois : jouer d’un instrument, c’est passer d’un appui à un autre, plus ou moins vite avec legato et souplement. C’est une danse, un passage du gué en sautant de pierre à pierre, en divisant l’effort par autant d’appuis légers qui sont autant de nouveaux départs.
– Tout appui doit être suivi d’une levée qui correspond à la détente (saut relâché : appel, prise d’élan et abandon à la masse du corps, nouvelle réception avec la souplesse d’un félin). La musique est la science des appuis et des levées.
– Les doigts doivent travailler le moins possible, surtout quand une autre articulation peut faire le tra­vail à leur place (poignet, coude, épaule) : on évite ainsi extension, allongement, pince. Ils peuvent se consacrer à la précision, au toucher et non pas à la musculation, car ils sont naturellement musclés (nous bougeons nos doigts chaque jour). Ce qui leur manque, c’est une claire vision de ce qu’il faut faire. Ce qui les gêne, c’est toutes les tensions inutiles dont ils font courts-circuits : ils seraient encore mau­vais conducteurs.

– Ne pas confondre mobilité libre des mains et agitation à chaque note jouée. La mobilité est indissociable de la stabilité. Une main fixe ne fait pas respirer le son. Un boxeur ou un tennisman bouge constamment sur ses pieds afin de constamment réajuster ses axes et ses poids d’envois.
– Beaucoup de la gaucherie réside dans notre tête. Les doigts n’y sont pour rien.
– Le pouce gauche ne doit pas intervenir comme force, mais comme curseur, rail ou levier. Il faut ré­veiller la poigne (première articulation) et non la pince (au sens de « prendre avec des pincettes »).
– Le pouce droit agit activement par rotation de sa 1ʳᵉ articulation au niveau du poignet, mais mieux encore : passivement, quand il est mû par le poignet ou le coude, comme un médiator (cf. dans Asturias).
– Les ongles doivent être taillés et polis selon la forme du bout du doigt, en demi-lune.
– L’attaque de la corde est certes le toucher, mais surtout l’échappement du doigt, vers la gauche ou la droite :
      Attaque butée : le doigt s’appuie sur la corde du dessous après avoir fait sonner celle du dessus. Le second doigt se relève à ce moment même, prêt à le remplacer, comme deux jambes qui marchent. Anticiper, à gauche comme à droite.
      Attaque pincée : la main droite se situe au-dessus des cordes et le doigt rentre sous la main comme un train d’atterrissage. Seule la 1 ère articulation agit. Les 2 autres restent tranquillement résistantes : elles n’interviennent pas « volontaristement » et doivent rester assez souples. Idem pour l’attaque butée d’ailleurs, mais sous un autre angle).
– Réaliser peu à peu qu’une technique naturelle utilise les mouvements quotidiens de la main : adapter/adopter la guitare à soi, et non l’inverse.
– Le travail n’est pas accumulation de force et de temps, mais dégagement d’une puissance enfouie, comme ensablée dans les crispations, l’habitude, le court-terme, la myopie affective ou sensitive. Se hâter lentement, le travail résout tout. Et toujours réinventer la musique déjà sue, et les exercices…


Arnaud DUMOND

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